L’auteur de la célèbre « Trilogie de Mars », Kim Stanley Robinson, a maintenant plus de 70 ans… Le ministère du futur (The Ministry for the Future est sorti en langue anglaise en 2021 et vient d’être traduit en français en 2023 chez Bragelonne. Attention, ceci n’est pas vraiment un roman !
Une dystopie pas si dystopique que ça…
Ni roman ni publication scientifique, ni dystopie ni utopie, ce bloc de plus 550 pages vous emmène dans le futur, où le réchauffement climatique a déjà fait des millions de morts, déplacé des populations entières et causé d’énormes ravages. Pas si dystopique que ça vous disais-je…
Après nos exigences animales de nourriture et d’abri, c’est ce qui vient en premier : la dignité. Chacun de nous en a besoin et la mérite du seul fait d’être humain. Mais le monde cherche souvent à nous en priver. Donc nous luttons. Car la dignité nous vient des autres, c’est dans leurs yeux, dans le regard. L’absence de dignité laisse la place à la colère. Je sais de quoi je parle. Cette colère peut tuer.
Kim Stanley Robinson – Le Ministère du futur
Le Ministère du futur est un voyage terrifiant dans notre futur proche
L’ouverture est réussie : on plonge sans ménagement au cœur d’un épisode de canicule humide (plus de 36° avec très forte hygrométrie) en Inde, où tout le monde ou presque y passe. Ce long chapitre captivant et haletant laisse place au ventre mou de l’ouvrage, avec quelques chapitres soporifiques au possible.
Le rythme, ou plutôt son absence, rebutera probablement bon nombre de lecteurs pas fanas de hard-SF, d’économie ou d’écologie. Si le final est brillant, il faut franchement s’accrocher aux pages pour le mériter !
Un documentaire passionnant sur les techniques du futur
On découvre quelques techniques de géo-ingénierie comme :
- la captation du dioxyde de carbone et son enfouissement
- l’aspiration de l’eau froide prise entre la roche et la calotte glacière pour « poser » les glaciers et limiter leur chute et fonte dans la mer
- un peu d’ingénierie climatique pour l’instant fortement déconseillée par le GIEC
Kim Stanley Robinson, socialiste démocrate, nous démontre que le système capitaliste pourrait être utilisé pour inciter à ne pas produire de CO2, via une cryptomonnaie récompensant la captation ou la non-émission de CO2, par tonne. J’ai trouvé l’idée farfelue de prime abord, puis après quelques dizaines de pages, brillante.
Ce concept est réellement passionnant et bien expliqué. On constate la réelle maîtrise de l’auteur sur le volet économique, beaucoup moins sur le côté politique… La moindre difficulté ou résistance est trop vite éludée, les pseudos-consensus sont peu crédibles et s’obtiennent par la peur (terrorisme par drones et « missiles nuée »).
Ce gros livre (600 pages, plus de 100 chapitres) est un bel étalage de la recherche documentaire qu’a effectuée K.S.R., mais c’est à peu près tout. On est trop loin de la condamnation acerbe de l’inaction climatique que j’attendais, du coup de fouet salvateur qui ouvre l’œil à tout citoyen.
En se mettant à la croisée des chemins entre roman catastrophe et fiction politique, climatique et économique, Kim Stanley Robinson part dans tous les sens, avec un méli-mélo de techniques narratives et même des chapitres totalement inutiles (la vie passionnante d’un photon…). C’est un ouvrage que je recommande quand même, mais ce n’est ni un bon roman, ni un bon essai. En laissant tomber les deux protagonistes (Mary et Franck), on aurait probablement eu droit à un essai exigeant pour le lecteur, mais mieux construit.
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