[Edito] Le monde sous acides (vu de sous ma couette)

Tunisie_3DSBonjour à tous, aujourd’hui est l’avènement d’une ère nouvelle. A compter de ce jour et chaque semaine, vous aurez droit à ma rubrique. Suite à nos joutes verbales de plus en plus voraces et sévères, Nicolas a décidé de me laisser la parole sur son blog afin que je puisse y déverser ma haine et mon amour. Au programme : actualités, divagations et pénétrations aussi diverses que variées ; la vie est trop belle pour qu’on ne puisse en profiter à la pourrir autant que l’on peut maintenant, avant de finir haï, maudit et damné dans un couffin.

J’ai annoncé actualités, ce sera de l’actualité. Cette semaine un évènement a fait couler de l’ancre tandis qu’un autre a mobilisé les Internets. Commençons par le second, c’est clairement le moins intéressant et celui qui pourra me faire suer du sang, l’event Nintendo 3DS à Amsterdam.

La Nintendo 3DS se dévoile en 2D

Depuis quelques mois la firme japonaise égaye, amuse et excite le marché des jeux vidéo avec sa Nintendo 3DS. Une phrase pour les gouverner tous : « la 3D sans lunette ». Si l’on fait abstraction d’une vidéolol qui a fait son apparition en fin de semaine dernière (voir sur YouTube), où on dit adieu aux lunettes mais où l’on passe pour un attardé paraplégique des yeux en pleine crise d’épiloppsi, il faut reconnaître que ça s’annonçait marrant. Depuis Avatar tout le monde veut de la 3D, partout, tout le temps. De plus en plus à la traîne face à Apple et ses iDevices, Nintendo se devait de rétorquer fort et comme toujours son innovation passe par la console portable.

Sauf qu’il y a un hic monumental depuis le début de la campagne publicitaire : on n’a toujours pas vu la gueule de la 3D. Les quelques images que l’on a pu voir sont carrément inexpressives et même en mettant mes lunettes j’ai pas vu la 3D.

Et là, on dit BRAVO NINTENDO pour avoir créé l’un des meilleurs coups marketing, un bel écran de fumée lolobuzz, à croire qu’ils ont récupéré un RP de chez Apple. En fait la 3D, ce sera sur les images, tout comme sur la DS actuelle. Bon ok, je m’insurge mais Nintendo a tout de même mis en ligne une publicité pour sa console (voir sur YouTube) où l’on ne voit AUCUNE image 3D. On voit deux humains se marrer devant leurs consoles mais c’est si bien filmé qu’on ne voit pas l’écran. Et puis, un event pour la 3DS avec un écran 2D… franchement quoi !

Tout ça pour quoi au final ? Pour se retrouver avec une console ayant une autonomie semblable à celle du GameBoy Color, permettant de prendre de zoulies photos pour draguer ensuite avec grâce à Street Pass. Au moins sur ce dernier point ça va me permettre d’abandonner Meetic et d’aller jouer à Street Fucker sur place.

 Les origines de la révolte en Tunisie

Le premier évènement est la révolte qui a eu lieu en Tunisie. Je ne vais pas m’attarder sur le côté politique de cette révolte mais plutôt sur le plan technique qui a permis d’aboutir à la fuite du président/dictateur Ben Ali. Tout d’abord il convient de préciser que ce qui se déroule actuellement en Tunisie n’est pas une révolution, du moins pas tant qu’il n’y aura pas de changement de gouvernement. Si l’on prend la définition Larousse de révolution on obtient : « Changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un État, qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place et prend le pouvoir. » Or puisque le gouvernement est le même que lorsque le président était encore là…

Le plus intéressant dans ces révoltes c’est la manière dont elles ont été mises en place. Les médias étant contrôlés par le pouvoir il était impossible pour les manifestants de définir à l’avance des lieux de RDV et d’exprimer leurs contestations publiquement. Et c’est là que les Internets ont pris le pouvoir. Pas de TV, pas de journaux : passons aux réseaux sociaux. Facebook et Twitter ont été les principaux moteurs des diverses manifestations. Tandis que les français s’éclatent avec des apéros Facebook, la Tunisie elle, elle envoie du lourd en préparant des manifestations anti-gouvernement via des events Facebook. Et avant que le pouvoir comprenne et réagisse, il était déjà trop tard : mails renvoyés et diffusés massivement, la liste des quelques 273 000 amis Facebook du président Ben Ali a été copiée avant que le compte ne soit supprimé, etc… Les jeunes avaient passé le mot, les adultes avaient compris et suivi. Les suivis en live des manifestations, la diffusion de vidéos concernant les affrontements avec la police ainsi que les vidéos montrant les après-affrontements dans les hôpitaux ont suffi à mobiliser un peuple. C’est dans ces moments-là que l’on perd les pédales, que la machine s’emballe et qu’on lâche la bride.

La réponse du gouvernement a été simple : tenter de bannir l’accès au web, mais est-ce possible à l’heure actuelle ? Une citation relevée dans un article du Monde m’a interpellée : « Il était devenu plus grave de se promener avec un ordinateur qu’avec un cocktail Molotov. » Hey quoi ? Vous ne le saviez pas ? Tout ça rappelle l’une des phrases les plus connues au monde et l’une des plus vraies : « les paroles s’envolent mais les écrits restent. » C’est d’autant plus vrai sur la toile que ce sera immédiatement sauvegardé/partagé/échangé/renvoyé.

Un groupe vient alors en renfort aux Tunisiens, Anonymous. Comme dans un film on voit débarquer sur le campus de Tunis des anonymes arborant fièrement un masque de Guy Fawkes, V for Vendetta redevenant alors ce pour quoi il avait été fait à la base : se rappeler. Se rappeler le 5 novembre 1605, se rappeler la Conspiration des Poudres, se rappeler que le pouvoir est redevable envers le peuple ; et comprendre qu’un seul individu, s’il s’élève, peut tout changer. Anonymous a apporté un soutien mondial aux tunisiens préparant leurs manifestations et démonstrations sur Internet, un soutient moral évidemment mais aussi physique (et virtuel) dans la mesure du possible. Les Tunisiens n’attendaient presque qu’une seule chose en somme, savoir qu’ils n’étaient pas seuls. Et quoi de mieux pour cela que de savoir qu’il y a Internet derrière vous ?

 Ces évènements sont la preuve de plusieurs facteurs révélateurs de l’ère actuelle :

  • un seul homme, équipé d’un ordinateur voire d’un simple smartphone, peut renverser un gouvernement
  • le futur des peuples et des gouvernements sera numérique et virtuel
  • la plupart des pouvoirs en place sous-estiment encore beaucoup trop Internet (ceci n’est pas valable pour les USA, le UK, la Chine et la Corée du Nord).

En France les parlementaires se concertent pour passer des lois en vue de parvenir à instaurer un certain contrôle sur le web, chose futile et impossible alors que l’ensemble du pays se plaint de la « qualité » de services publics essentiels comme la SNCF. En Hongrie une loi est passée qui limiterait la liberté de la presse en imposant une censure du gouvernement. En Espagne le Sénat veut faire voter une loi qui permettrait au gouvernement de fermer les sites Internet sans décision de justice. J’en passe, j’en passe…

Est-ce que vous pensez réellement qu’un groupe de personnes, toutes aussi motivées et croyantes en la bonne foi de leurs actions, toutes aussi puissantes qu’elles soient, puisse réellement planter des barrières sur les Internets ? Ce n’est plus pour rien que l’on dit les Internets, une loi équivaudrait à poser des barbelés explosifs autour d’un champ de trampolines entouré de champs de fleurs bleues et de Jacaranda (j’aime ce mot).

Pour autant ce n’est pas étonnant. Lorsque vous ne parvenez pas à attraper le Golden Snitch (le Vif d’Or dans Harry Potter) vous allez tenter de construire un mur autour pour vous faciliter la prise en main. Vieil adage, vieux vestiges d’une méthode de penser archaïque et dépassée. Tout le monde est surpris de ce qui s’est passé en Tunisie, mais je suis certain que quiconque suivait les bons comptes Twitter et Facebook a vu venir le coup depuis début 2010, au moins. Comme une mèche de deux centimètres autour de caisses de dynamite, avec une lampe de nitroglycérine au-dessus et des allumettes déjà sorties de la boîte à côté.

 Ils sont aussi révélateurs d’autres points importants :

  • le peuple, à quelque niveau que ce soit, n’est pas stupide et dispose toujours d’une once de réflexion pour agir lorsqu’on le pousse trop loin
  • si un pays comme la Tunisie est parvenu à cela, imaginons jusqu’où pourraient aller d’autres pays ; il a suffit d’une vidéo montrant les blessés, les corps ensanglantés et criblés de balles dans un hôpital pour que les Tunisiens s’insurgent… what about that somewhere else in the world?

 Pour conclure, gardons ceci à l’esprit : « You are Anonymous. »

Gardons la foi en cet animal appelé l’homme.


Billet aimablement rédigé par @Syphiss. Retrouvez chaque vendredi sa rubrique. | Vous voulez rédiger pour ce blog? Ca se passe ici. Crédit photo : wecand sur Flickr

Un commentaire

  1. Bravo Syphiss (Florian) pour ce petit moment d’actualité. Étant papa d’enfants en bas âges, les infos sont devenues pour moi un monde beaucoup trop lointain. Ce billet m’as donc permis de mieux comprendre le mouvement qui s’opére aujourd’hui. J’attends avec impatience le billet de vendredi prochain.

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