[Critique ciné] Hugo Cabret

Hugo Cabret critique du film

Article rédigé intégralement par Eric, contributeur au blog.

La récente cérémonie des Oscars a été le théâtre d’un chassé-croisé entre deux films rendant hommage aux premières heures du cinéma : « The artist », film français célébrant l’âge d’or du cinéma muet hollywoodien, et « Hugo Cabret », film américain évoquant d’une manière émouvante l’invention, en France, du cinéma de création artistique. « The artist » a raflé toutes les récompenses prestigieuses au détriment de « Hugo Cabret » mais j’ai eu envie de découvrir ce film que je n’avais pas vu lors de sa sortie en décembre.

Devant le cinéma, une horde de gamins piétinait le trottoir en jetant des regards brillants de convoitise sur le distributeur de pop-corn. Un frisson d’angoisse m’a alors parcouru l’échine et j’ai failli faire demi-tour car le souvenir ancien d’une séance de « L’étrange Noël de Mister Jack », gâchée par les réactions d’enfants plus habitués aux productions Disney qu’à l’ambiance d’un film d’auteur, fût-il un conte de Noël, m’a fait redouter un long calvaire ponctué de pleurs et de jérémiades de gamins impatients de quitter la salle obscure. Néanmoins, je suis resté. Bien m’en a pris car « Hugo Cabret » est un enchantement permanent, qui ne dépare pas dans la filmographie de Martin Scorcese. Comme tous les enfants présents, qui n’ont quasiment pas moufté durant toute la projection sauf pour quelques grands éclats de rire, j’ai été subjugué et émerveillé par ce film porté par un grand souffle d’amour.

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Le film débute comme un conte inspiré par l’univers des romans de Dickens. Hugo Cabret, jeune orphelin recueilli par son oncle alcoolique, vit caché dans les tours de la gare Montparnasse. Hugo garde un souvenir ému de son père, qui était gardien de musée et féru d’horlogerie, et conserve précieusement un automate anthropomorphe cassé, comme une relique de son père décédé dans l’incendie qui ravagea le musée où il travaillait. Hugo et son père travaillaient à le réparer, à partir d’un vieux carnet rempli de dessins trouvé dans la réserve du musée. Hugo, qui vit de chapardages dans les échoppes de la gare, dérobe des mécanismes et des clefs à la boutique de jouets tenu par monsieur Georges, avec l’espoir de pouvoir achever la réparation de l’automate et de le ranimer, comme s’il pouvait lui délivrer un message de l’au-delà. Martin Scorcese, grâce à une 3D virevoltante parfaitement maîtrisée, nous fait ressentir la foule grouillante qui se presse sur les quais, nous révèle tous les recoins de la gare immense et tous les rouages des horloges dont Hugo, qui remonte et graisse les mécanismes, est le gardien secret un peu comme Quasimodo, dans le roman de Victor Hugo, est l’âme des tours de Notre-Dame… Les références aux romans d’aventure du XIXème siècle sont d’ailleurs récurrentes dans le film.

Hugo vit caché dans la gare et fuit le policier en charge, avec son doberman, de faire respecter l’ordre et de capturer les orphelins qui errent dans la gare pour les livrer au pensionnat. Ce policier, joué par Sacha Baron Cohen, est un blessé de guerre affublé d’une prothèse à la jambe qui l’assimile lui aussi à une sorte d’automate. Comme dans tous les contes, le film se conclura dans un happy end, grâce à l’amour qui l’unira avec une fleuriste qu’il aime en secret mais n’ose pas aborder. Il n’y a pas de « méchant » dans le film de Scorcese : tous les personnages seront rédimés par l’amour.

Hugo, après avoir été surpris par monsieur George qui lui confisque son carnet, va lui aussi faire cet apprentissage. Monsieur George (admirablement joué par Ben Kingsley) n’est autre que George Meliès et s’avère être le vrai personnage principal du film, dont il constitue le point nodal. Comment raconter son histoire sans dévoiler les multiples rebondissements du film et vous priver des surprises et des joies de l’émerveillement ? Hugo, avec la complicité de la petite fille de George Méliès (Isabelle, elle aussi orpheline) qui est avide de vivre une aventure digne des romans qu’elle dévore, va découvrir la vraie nature de monsieur George, qui est devenu un vieil homme aigri, magicien du cinéma oublié et ruiné par la faillite de son studio qui n’a su s’adapter à l’évolution des goûts du public provoquée par le choc de la 1ère guerre mondiale. Le film, sans cesser d’être un film pour enfants, parvient alors à s’émanciper des contraintes du genre pour devenir un film de célébration et d’hommage à la naissance du cinéma. La poésie sourd de chaque scène et de chaque plan, avec une émotion à fleur de peau qui se communique aux spectateurs, quel que soit leur âge. Grâce à la 3D, admirablement maîtrisée (les oscars techniques obtenus par le film me semblent parfaitement justifiés !) et qui est ici toute autre chose qu’un gadget de mise en scène, Scorcese ressuscite l’émerveillement des premiers spectateurs du cinéma, notamment lors d’une sublime mise en abîme de la scène du train entrant en gare de La Ciotat !

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L’ambition de Scorcese est clairement, au-delà de l’émouvant hommage à Méliès et au cinéma, de donner aux jeunes spectateurs l’envie et l’audace de se jeter dans la création artistique et de donner corps à leurs rêves, malgré les difficultés et la cruauté du monde. C’est le genre de film qui peut marquer à vie un enfant, en lui révélant sa vocation et faire dans sa vie un avant et un après exactement comme, dans le film, le critique René Tabard fut marqué à vie par sa rencontre avec Méliès lorsqu’il était enfant. Hugo Cabret est au-delà d’un grand film pour enfants : c’est un très grand film de Martin Scorcese, qui se révèle être lui aussi un immense enchanteur. 

4 commentaires

  1. Personnellement je ne l’ai pas trouvé aussi enchantant.
    J’ai beaucoup aimé la technique, les effets spéciaux, les costumes et les personnages. Ou encore l’hommage à Méliès…mais sinon j’me suis un peu ennuyé. C’est un peu mou comme film.
    Peut être que ca serait mieux passé au ciné, mais même là en bluray sur mon écran plat avec le dolby…ca n’a pas suffit.
    J’lui mettrais 5.5/10 pas plus.

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